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Journée mondiale de l’innovation: un entretien avec Régis Chatellier du Laboratoire d’innovation numérique de la CNIL

Nous entendons souvent dire que la réglementation étouffe l’innovation. Mais saviez-vous qu’au sein d’une autorité de régulation il peut aussi y avoir une équipe d’innovation ? La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) dispose d’une équipe spécialisée qui ne se contente pas d’étudier les nouvelles technologies mais développe également des outils numériques. A l’occasion de la Journée mondiale de la créativité et de l’innovation, nous avons rencontré Régis Chatellier, responsable des études prospectives, pour en savoir de ce que c’est que de travailler sur l’innovation au sein de la CNIL. 

Regis Chatellier

1. Quel est votre rôle au LINC ? Que faites-vous dans votre travail au quotidien et à quoi ressemble votre journée-type ?

Mon poste à la CNIL est celui de Responsable d’études innovation et prospective, au sein du Laboratoire d’innovation numérique de la CNIL. Un service qui rassemble des ingénieurs, des designers et des profil plus orientés sciences humaines et usages du numérique, comme le mien. 

Mon rôle consiste, comme son nom l’indique, à produire des études prospectives sur les nouveaux usages du numériques, et les dernières innovations, qui pourraient avoir un impact sur les droits et les libertés des personnes, Cela prend notamment la forme de Cahiers Innovation et prospective, et d’articles partagés sur un site dédié : http://linc.cnil.fr. J’interviens également pour porter ces travaux en dehors de la CNIL, dans des groupes de travail ou des événements, et je participe à des travaux de la CNIL sur certains dossiers.

Il n’y a pas de journée-type, dès lors que les activités sont variées, mais la base de mon travail reste de mener une veille sur différents sujets, pour être en capacité de repérer des sujets émergents, et selon les jours, je peux me consacrer à la rédaction d’articles ou de notes, à des présentations publiques, des tables-rondes, mais aussi à des rencontres avec des organisations qui agissent dans les écosystèmes du numérique. 

2. Pouvez-vous nous parler du plus gros projet sur lequel votre équipe a travaillé ? Et quel a été son impact sur la protection des données personnelles ?

Il n’y a pas un projet qui surpasse les autres. Nous tentons au contraire par la variété de nos productions, qu’il s’agisse d’articles sur le site LINC, des cahiers innovation et prospective, ou d’expérimentations de produire des briques qui permettent de construire l’édifice de la protection des données. S’il fallait en citer deux, le Cahier IP publié en 2019 par le LINC visait à promouvoir le design comme nouveau champ d’action pour les autorités de protection des données, dans l’analyse en conformité pour le design des interfaces, mais aussi pour engager les designers à apprendre en compte la protection des données et libertés et apporter des solutions à certains concepts comme l’information, les droits des personnes et le consentement. Ce cahier a donné lieu à la mise en ligne d’une plateforme dédiée aux designers – https://design.cnil.fr – sur laquelle nous partageons des ressources, des bonnes pratiques et des “bright patterns” à destination de designer, produits lors d’ateliers. Les design est également plus présent dans les actions de la CNIL, pour certaines décisions notamment. 

Un  deuxième projet structurant est celui de CookieViz, un logiciel de visualisation des cookies qui s’installent sur le navigateur, désormais disponible sous forme d’extension navigateur, qui est très consulté et utilisé. C’est à partir de ce projet que nous avons créé un observatoire des cookies, pour donner à voir les pratiques des entreprises avec les cookies, dans le cadre de la mise en conformité sur les traceurs. 

3. Le LINC crée également des outils pour aider directement les utilisateurs à avoir plus de contrôle sur leurs données personnelles ? Existe-t-il un outil qui pourrait nous être utile en tant qu’étudiants ?

Le logiciel Cookieviz est un très bon outil pour que chacun, chacune puisse se rendre compte de la manière dont fonctionne l’écosystème de la publicité en ligne, qui se base pour beaucoup sur le traçage des comportements en ligne, au moyens de cookies et autres traceurs. C’est tout l’objet de CookieViz de rendre visible des pratiques dont on ne perçoit que le haut de l’Iceberg. L’a Cartographie des outils privacy, qui sera bientôt actualisée, constitue également une bonne ressources pour connaître des outils et services protecteurs de la vie privée. 

4. Par quel parcours êtes-vous arrivé à la CNIL ? Quel a été votre cursus académique, professionnel ?

Je suis diplômé de l’Institut d’études Politiques de Grenoble (“Sciences Po Grenoble”) et j’ai eu de nombreuses expériences professionnelles avant d’arriver à la CNIL. J’ai notamment travaillé pendant quatre ans dans le secteur culturel, au festival des Trans Musicales de Rennes, au Théâtre national de Bretagne, aux Champs Libres, toujours sur les questions numériques, communication en ligne et réseaux sociaux. Dans le même temps je contribuais bénévolement à l’association Bug, dont je suis devenu ensuite salarié. Cette association agissait en laboratoire des usages numériques à l’échelon de la ville de Rennes. Nous avons lancé un réseau social local qui protégeait les données personnelles en 2006, un “Wikipedia de territoire”  : une plateforme d’écriture collective en licences ouvertes de l’histoire et des histoires de la ville de Rennes. Nous avons aussi participé au lancement de l’open data, à la création d’une Cantine numérique, de Fablabs, etc.. tout en testant des outils numériques, dont certains immersifs ou en Réalité augmentée, etc. J’ai rejoint Paris début 2013 où j’ai notamment travaillé comme consultant sur les données de la ville, et les différentes pratiques d’ouverture et de partage des données, de création de service, mais aussi de prospective de la ville de demain. 

Tout au long de ce parcours, la donnée est restée présente, comme l’innovation et la prospective, et c’est naturellement que j’ai rejoint la CNIL en 2016 sur les questions innovations et prospective.